source : http://www.genami.org/culture/fr_actes-respectueux.php

  • Par Annie Lévy – (Extrait de GenAmi n° 26, décembre 2003)

Nous avons tous remarqué que les actes de mariage anciens mentionnaient le consentement des parents, même si les mariés avaient plus de 21 ans, âge de la majorité civile.
En fait, dès son origine au début du XIXe siècle, le code civil avait introduit une “majorité matrimoniale”, qui était de 25 ans pour l’homme, donc distincte de la majorité civile. Par contre, elle coïncidait avec la majorité civile pour la femme (21 ans). Le consentement d’au moins un des parents était nécessaire jusqu’à la majorité matrimoniale pour que le mariage puisse avoir lieu.
S’ils avaient dépassé cet âge, les futurs époux pouvaient se marier sans avoir obtenu l’autorisation parentale, mais pas immédiatement : ils étaient alors obligés, à défaut de l’accord de leurs parents, de leur “notifier leur projet de mariage”, et cela par un acte notarié appelé “acte respectueux”.
Le code civil détaillait la procédure à suivre. L’acte respectueux devait être notifié par deux notaires, ou un seul notaire assisté de deux témoins. En cas de refus de consentement des parents, la demande devait être renouvelée deux fois, de mois en mois, avant que le mariage puisse avoir lieu.
Au-delà de 30 ans pour un fils et 25 pour une fille, un seul acte respectueux suffisait. Un mois après le refus, le mariage pouvait avoir lieu sans le consentement des parents.
L’ensemble de ces mesures a été assoupli progressivement à partir de la fin de XIXe siècle, mais n’a totalement disparu qu’en 1933.

J’ai découvert tout cela après que l’on m’ait signalé l’existence d’un tel acte datant de 1828 et concernant le frère d’un de mes ancêtres. J’ai retrouvé cet acte aux AD de la Moselle.
Ce lointain grand-oncle se nommait Abraham Lazard (tout comme son père, d’ailleurs). Né en 1789 à Frauenberg (Moselle), il avait donc 39 ans à l’époque des faits. Il vivait à Bar-le-Duc et désirait épouser une demoiselle Oudinot (peut-être une parente du maréchal Oudinot (1767-1847), lui aussi de Bar-le-Duc ?). Son père résidait toujours à Frauenberg.
L’acte notarié, rédigé par un notaire de Sarreguemines, comporte une première partie dans laquelle Abraham “demande respectueusement” à son père, “son conseil pour le mariage qu’il se propose de contracter avec demoiselle Marguerite Oudinot”. Suivent ensuite les signatures du notaire, des témoins et d’Abraham.
Dans la deuxième partie de l’acte, le notaire, assisté de deux témoins, “s’est transporté en la demeure” du père à Frauenberg, “auquel le dit notaire et témoins ont notifié l’acte respectueux à lui adressé par M. Abraham Lazard son fils devant le dit notaire assisté de deux témoins”. Suite à cette notification, le père “déclare qu’il refuse son consentement au mariage de son fils pour des raisons qu’il est inutile de faire connaître à des étrangers et, requis de signer, a refusé de le faire sans en déduire les causes”.
On peut évidemment supposer que c’est un problème de religion qui est à l’origine de ce refus.
Vu l’âge d’Abraham, un seul acte respectueux suffisait. Je ne me suis jamais rendue aux Archives de la Meuse pour découvrir la suite de l’histoire, mais parions que le mariage a bien eu lieu un mois plus tard…

Retour en haut