Émile Loubet, né le à Marsanne (Drôme) et mort le à Montélimar (Drôme), est un homme d’État français. Il est président de la République française du au .

Avocat de profession, il est élu député de la Drôme en 1876. Après avoir été ministre des Travaux publics, il est président du Conseil de à . Il est en parallèle ministre de l’Intérieur, fonction qu’il conserve dans le premier gouvernement Ribot. En 1896, il accède à la présidence du Sénat.

En 1899, seul candidat en lice, il est élu président de la République après la mort soudaine de Félix Faure. Son mandat est notamment marqué par la fin de l’affaire Dreyfus, par l’affaire des fiches, et par le vote de la loi de séparation des Églises et de l’État à l’initiative d’Aristide Briand. À l’issue de son septennat, il se retire de la vie politique dans la Drôme.

Biographie

Famille et jeunesse

Né le Note 1, Émile François Loubet est le fils cadet d’Augustin LoubetNote 2 (1808-1882) et de Marie-Marguerite Nicolet (1812-1905), d’une famille de cultivateurs et d’édiles de la Drôme. Le père du futur président est maire de Marsanne pendant 26 ans1.

Il a un frère aîné, Joseph-Auguste (1837-1916), médecin, et une sœur, Félicie (morte en 1892). En 1851, il est élève du collège catholique de Crest. Les 5 et 6 décembre, il assiste des fenêtres de sa pension aux combats entre l’armée et les insurgés contestant le coup d’État du 2 décembre 18512

Le , à Montélimar, il épouse Marie-Louise Picard (1843-1925) qui lui donnera quatre enfants : Marguerite, Denis, Paul3 et Philibert-Émile. Seule la postérité de Marguerite, les Soubeyran de Saint-Prix, subsiste.

Émile Loubet n’est ni issu de la grande bourgeoisie ni des couches défavorisées de la population. Les revenus de l’exploitation agricole familiale permettent aux deux garçons d’aller étudier d’abord à Valence puis à Paris. Alors que son frère s’inscrit à la faculté de médecine, Émile y étudie le droit jusqu’à obtenir le son doctorat. Il s’inscrit au barreau de Montélimar en 4.

Débuts en politique et années au Parlement

Républicain modéré, il fait la connaissance de Léon Gambetta pendant ses études de droit. Il entre en politique en intégrant le conseil municipal de Grignan en décembre 18685.

Après avoir été élu conseiller général de Montélimar le puis maire le (mandat qu’il garde jusqu’à son élection de Président de la République)4, il est élu député de la Drôme le 1876. Il siège à gauche de l’hémicycle de la Chambre des députés à partir du 5.

Le , il fait partie des 363 députés qui votent la défiance au gouvernement d’ordre moral du duc de Broglie4. La Chambre est alors dissoute par le président de la République, le maréchal de Mac Mahon. Loubet, comme ses confrères, est sanctionné et perd (momentanément) sa charge de maire. Il demeure député jusqu’en , date à laquelle il est élu sénateur de la Drôme5.

Émile Loubet fait la plus grande part de sa longue carrière politique au Sénat. Il y est élu en et devient rapidement un acteur majeur de la gauche républicaine. À la Chambre haute, il s’inscrit au groupe de la gauche républicaine. Élu secrétaire en , il est rapporteur général du budget, à la commission des finances, lorsque, dans le premier ministère constitué après l’élection du président de la République Sadi Carnot, dans le cabinet de Pierre Tirard, il est chargé du portefeuille des Travaux publics.

Il est de retour au palais du Luxembourg en . Après avoir été un peu moins d’un an président du Conseil et ministre de l’Intérieur, Émile Loubet reprend son siège au Sénat et redevient président de la commission des Finances.

Le , Émile Loubet devient le président du Sénat après la démission de Paul-Amand Challemel-Lacour. À ce titre, c’est lui qui annonce le la mort du président Félix Faure.

Ministre et président du Conseil

Il est appelé par le président Carnot à la présidence du Conseil, responsabilité qu’il exerce de à . Reconduit comme ministre de l’Intérieur dans le cabinet Ribot, le scandale de Panama dont il a tenté de freiner l’enquête en faisant pression sur le procureur général6, conduit à son remplacement en .

Président de la République

Portrait du président Émile Loubet.

Élection

La mort subite de Félix Faure conduit à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée opposant le camp des antidreyfusards aux dreyfusards. Jusqu’ici, Félix Faure aurait appuyé les adversaires de la révision du procès de Dreyfus. Deux candidats se dégagent rapidement : Émile Loubet et Jules Méline, ce dernier étant antidreyfusard (il a notamment déclaré en 1897 qu’« il n’y a[vait] pas d’affaire Dreyfus »).

Loubet, qui n’a jamais exprimé d’avis sur l’affaire, s’impose comme le favori, alors qu’il a déjà été pressenti pour succéder à Sadi Carnot en 1894. Sa non-compromission avec les antidreyfusards en fait le candidat des dreyfusards, notamment de Georges Clemenceau. De nombreux républicains sont en outre hostiles à un candidat issu des rangs radicaux.

En apprenant la candidature du président du Sénat, Jules Méline retire la sienne. Émile Loubet est élu président de la République par le Congrès réuni à Versailles le , par 483 voix (soit 59,48 %), contre notamment 279 à Jules Méline (qui, malgré le retrait de sa candidature, obtient donc des voix).

L’élection a deux répercussions immédiates : Paul Déroulède tente sans succès de faire un coup d’État pour renverser la Troisième République et Loubet est agressé à coups de canne par le baron Christiani à la tribune de l’hippodrome d’Auteuil. Le baron est écroué et condamné à quatre ans de prison ferme7.

Politique intérieure

Banquet des maires de France dans le jardin des Tuileries en 1900.

Dans un contexte d’oppositions virulentes à la République (de la part des nationalistes et des royalistes) et de polémiques anti-religieuses (de la part des radicaux et des socialistes), Émile Loubet tente l’apaisement en s’en tenant à ses pouvoirs constitutionnels limités. La présidence Loubet est l’une des plus stables de la Troisième République, avec seulement quatre présidents du Conseil nommés en sept ans : Charles Dupuy, Pierre Waldeck-Rousseau, Émile Combes et Maurice Rouvier.

Du point de vue des prérogatives présidentielles, le septennat d’Émile Loubet se passe dans le strict respect de la tradition de la Troisième République. Le président a un rôle de représentation officielle. Son autorité, réduite au minimum, ne s’exerce sur la politique intérieure de l’État que par influence, par persuasion et par conseil.

Le septennat d’Émile Loubet est le théâtre de décisions marquantes dans l’histoire de la République française : grâce du capitaine Dreyfus, promulgation de la loi sur les associations et, surtout, de la loi du 9 sur la séparation des Églises et de l’État, définissant le cadre général de la laïcité en France et imposée au Président par la majorité radicale et socialiste.

L’affaire des fiches, une importante opération de fichage réalisée dans un contexte d’accusations d’anti-républicanisme portées par la gauche à l’encontre des officiers, conduit en à la démission du ministre de la Guerre, le général André, puis à la chute du gouvernement Combes deux mois plus tard.

C’est à son sujet que Le Figaro écrit un article le , décrivant le dépôt d’une gerbe de chrysanthèmes lors de l’inauguration d’un monument[réf. nécessaire]. Cet épisode, peut-être lu par le jeune Charles de Gaulle ou commenté par son père, est déformé par le Général pour créer l’expression « inaugurer les chrysanthèmes » soulignant l’absence de pouvoirs réels du président des IIIe et IVe Républiques[réf. nécessaire].

À l’occasion de l’exposition universelle de 1900 organisée à Paris, Émile Loubet convie l’ensemble des maires de France à un banquet de 22 965 convives dans le jardin des Tuileries. Ce banquet est l’occasion de la manifestation d’un large soutien des élus locaux à la République.

Politique étrangère

Carte postale pour la venue de Nicolas II en 1901.

C’est dans le cadre de la politique étrangère que le président Loubet est le plus impliqué. Il conseille le gouvernement et oriente, dans ses grandes lignes, cette politique.

Son septennat est aussi marqué par une intense activité diplomatique avec d’une part l’alliance franco-russe — il reçoit Nicolas II en , avec les fameuses manœuvres de Bétheny, et se rend en visite officielle en Russie en 1902 — et d’autre part le Royaume-Uni.

Toulon, visite du président Émile Loubet aux escadres française et italienne en
Félix Ziem, 1901
musée national de la Marine, Toulon

Loubet améliore aussi les rapports tendus avec l’Italie, avec laquelle il signe en 1900 un accord reconnaissant les intérêts italiens en Libye en échange de la reconnaissance du protectorat français sur le Maroc. En 1901, il reçoit la plus haute décoration italienne, l’ordre de l’Annonciade. En 1904, à la suite de la visite du roi Victor-Emmanuel III à Paris, il effectue une visite d’État à Rome : il s’agit de la première visite officielle en Italie d’un chef d’État catholique sans se rendre en premier au Vatican. En outre, cela revient à reconnaître Rome comme capitale de l’Italie, ce qui conduit le pape Pie X à émettre des critiques sur sa venue. Cette visite joue un rôle dans la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège quelques mois plus tard.

Le , il échappe à un attentat visant le roi d’Espagne Alphonse XIII, en visite à Paris8. Deux bombes à main sont lancées sur le cortège à l’angle de la rue de Rohan et la rue de Rivoli. Dix-sept personnes sont blessés, mais l’auteur ne fut jamais identifié9.

Fin du mandat

Émile Loubet aux côtés de ses successeurs Paul Deschanel, Raymond Poincaré et Armand Fallières ().

À la fin de son septennat, en 1906, il est le premier président de la IIIe République à quitter l’Élysée après avoir accompli un mandat complet (avant lui, Jules Grévy a déjà terminé un premier septennat mais, réélu, il n’a pas été au bout du second, devant démissionner à la suite du scandale des décorations).

Retraite et mort

Émile Loubet se retire ensuite de la vie politique.

Le , il meurt à 90 ans et 11 mois. Il reste le président français ayant vécu le plus longtemps jusqu’en 2017, lorsqu’il est dépassé par Valéry Giscard d’Estaing. Il est aussi le deuxième président à avoir survécu le plus longtemps après la fin de son mandat, là aussi derrière Valéry Giscard d’Estaing.

Suivant le vœu qu’il a exprimé, ses enfants refusent des obsèques nationales. Il est enterré au cimetière Saint-Lazare de Montélimar10.

Détail des mandats et fonctions

À la présidence de la République

Au gouvernement

  •  : ministre des Travaux Publics dans le gouvernement Tirard
  •  : président du Conseil, ministre de l’Intérieur
  •  : ministre de l’Intérieur du gouvernement Ribot

Au Parlement

Au niveau local

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