Georges Pompidou (Écouter), né le à Montboudif (Cantal) et mort le à Paris, est un haut fonctionnaire et homme d’État français. Il est Premier ministre du au et président de la République du à sa mort.
Normalien et agrégé de lettres, d’abord professeur, il entre en politique en 1944 auprès de Charles de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la République française, dont il devient l’homme de confiance. Il est nommé maître des requêtes honoraire au Conseil d’État en 1946 et demeure un collaborateur de De Gaulle pendant la « traversée du désert » de celui-ci, tout en assurant les fonctions de directeur général de la banque Rothschild. En 1958, il est nommé directeur de cabinet du général, appelé à la présidence du Conseil, et participe à l’élaboration de la Constitution de la Ve République. De 1959 à 1962, il est membre du Conseil constitutionnel.
En 1962, Charles de Gaulle, président de la République, le nomme Premier ministre, fonction qu’il exerce durant plus de six ans, soit le plus long passage à Matignon de la Ve République. Souhaitant moderniser le pays et notamment son industrie, il met en place la politique d’aménagement du territoire (création de la DATAR, projet de nouvel aéroport international « Paris Nord », premier plan neige, développement du réseau autoroutier, etc.), et lance des projets comme le plan Calcul et le Concorde. Par ailleurs, il réinstaure la police nationale et crée l’ANPE. Lors de la crise de Mai 68, il conduit des négociations qui aboutissent aux accords de Grenelle ; après la victoire du parti gaulliste aux législatives qui suivent, il est remplacé par Maurice Couve de Murville à la tête du gouvernement. Il se met alors « en réserve de la République » et siège comme député du Cantal. Avant le référendum constitutionnel de 1969, il fait part de son souhait de se présenter à une élection présidentielle à venir.
À la suite de la démission du président de Gaulle consécutive à l’échec du référendum, il se porte candidat à l’élection présidentielle anticipée : il est élu président de la République avec 58,21 % des suffrages exprimés au second tour, face au président par intérim, le centriste Alain Poher. Étant le premier à incarner la Ve République après le départ de son fondateur, il poursuit la présidentialisation du régime en continuateur du gaullisme. Il nomme Premier ministre Jacques Chaban-Delmas mais, peu enthousiaste envers son désir de « Nouvelle société », il l’évince trois ans plus tard, le remplaçant par Pierre Messmer, plus conservateur. Il gouverne avec la majorité gaulliste acquise en 1968 et renouvelée en 1973.
Dans le contexte de la forte croissance des dernières années des Trente Glorieuses, Georges Pompidou continue sa politique de modernisation, symbolisée par l’utilisation présidentielle du Concorde, la naissance de grands groupes industriels et le lancement du projet de train à grande vitesse (TGV). L’État investit fortement dans les secteurs de l’automobile, l’agroalimentaire, la sidérurgie, les télécommunications, le nucléaire ou encore l’aéronautique et l’aérospatial. Il crée également le SMIC et le ministère de l’Environnement. Sa politique étrangère, pragmatique bien qu’inscrite dans le principe gaulliste d’indépendance de la France, est marquée par un réchauffement des rapports avec les États-Unis de Nixon, ainsi que par d’étroites relations avec l’URSS de Brejnev, par le lancement du Serpent monétaire européen et par la relance de la construction européenne, par l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE, idée à laquelle s’opposait son prédécesseur à l’Élysée.
Bien qu’affaibli par un cancer caché aux Français, il continue d’exercer ses fonctions jusqu’à sa mort, qui intervient deux ans avant la fin de son mandat. Il est le quatrième président français dont le mandat est interrompu par la mort — après Sadi Carnot, Félix Faure et Paul Doumer — et le seul sous la Ve République (en 2024). Après un nouvel intérim d’Alain Poher et une élection présidentielle anticipée, ses ministres Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac deviennent respectivement président de la République et Premier ministre.
Alors qu’il était passionné d’art contemporain, son nom demeure connu mondialement pour le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, dont il a lancé la création, qui est inauguré en 1977 et qui répand ensuite ce nom avec ses antennes de Metz, de Malaga, de Bruxelles, de Shanghai, de Séoul et de Médine. Un musée Georges-Pompidou lui est également consacré dans sa ville natale.
Éléments personnels
Origines familiales
Le patronyme occitan Pompidor [pɔm.pi.ˈdu] (francisé en Pompidou) désigne celui « qui est originaire du Pompidou », nom de plusieurs lieux-dits dans la région, notamment à Glénat (Cantal), dont un hameau est sans doute à l’origine de la famille de Georges Pompidou, mais aussi à Soturac (Lot), Millau (Aveyron), ainsi que plusieurs lieux en Corrèze, et la commune du Pompidou en Lozère. Le toponyme lui-même désignerait un petit plateau, une hauteur au sommet aplati, d’une racine pomp-, de sens obscur, et du suffixe -idor, -ador (souvent francisé en -idou, -adou)1. On trouve aussi des francisations différentes, notamment Pompadour, Pompidor.
Georges Jean-Raymond Pompidou est le fils de Léon Pompidou (1887-1969), instituteur puis professeur d’espagnol, conseiller municipal à Albi2,3,4, décoré de la Légion d’honneur, et de Marie-Louise Chavagnac (1886-1945), institutrice. Sa sœur cadette, Madeleine Pompidou (1920-2014)5, agrégée de lettres classiques, épouse en 1946 Henri Domerg (1922-2015), agrégé de grammaire et inspecteur général de l’Instruction publique.
Le futur président est ainsi fils d’enseignants et petit-fils, tant du côté paternel que du côté maternel, de familles paysannes cantaliennes très modestes, même si la famille de sa mère s’était établie dans le commerce. Il est à ce titre un exemple typique de la promotion sociale par l’instruction publique sous la IIIe République : grand-père agriculteur, père professeur, fils haut fonctionnaire puis membre du personnel politique. Ses parents, enseignants républicains, admirent Jean Jaurès6. Son père milite à la SFIO, ce qui conduit Georges Pompidou à faire de même dans sa jeunesse7,8,9.
Années de formation
Il commence sa scolarité à Albi, où son père a été nommé. Jeune homme dilettante mais élève brillant, il obtient le premier prix de version grecque au concours général en 192710. Après avoir passé son baccalauréat au lycée Lapérouse d’Albi, il étudie en classes préparatoires littéraires au lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse, puis à Paris au lycée Louis-le-Grand aux côtés de Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Hostile à l’Action française, il milite à la LAURS (faisant parfois le coup de poing avec des militants de la droite nationaliste) et s’inscrit au début de 1930 à une société secrète d’inspiration trotskiste qu’il appelle dans ses lettres « Le Front unique »7. Il se passionne pour la littérature et la politique, en particulier pour la SFIO, où il admire Joseph Paul-Boncour.
Admis en 1931 à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, il est reçu premier à l’agrégation de lettres en 193411. Il est diplômé de l’École libre des sciences politiques la même année, au rang de 13e sur 6012.
Il aurait alors hésité entre une carrière dans la haute fonction publique et dans les lettres.
Il effectue ensuite son service militaire au 92e régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand en qualité d’officier de réserve13.
Vie familiale
Le , il épouse Claude Cahour (1912-2007). N’ayant pas d’enfant, le couple adopte un fils, Alain Pompidou (Paris, ), qui devient médecin-universitaire (spécialisé dans les maladies du sang et notamment le VIH), lui-même père de trois fils : Thomas (1969), Romain (1972) et Yannick (1973).
Carrière de professeur
À partir de 1935, il enseigne comme professeur de français, latin et grec en classe de troisième au lycée Saint-Charles de Marseille. En 1938, il est nommé à Paris au lycée Henri-IV14, où il est chargé de classes de lettres supérieures et de préparation à l’École coloniale.
Seconde Guerre mondiale
Il est mobilisé en 1940, au 141e régiment d’infanterie alpine. Parlant allemand, il est nommé officier de renseignement dans son régiment qui opère en Allemagne, en Alsace, en Bretagne et enfin lors des combats de la Somme. Il est décoré de la Croix de guerre en même temps que son régiment à cette occasion. Le jeune lieutenant est démobilisé après la bataille de France et revient alors donner ses cours d’hypokhâgne au lycée Henri-IV15.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travaille à l’édition critique de Britannicus16 et envisage d’écrire des scénarios.
Parcours politique
Libération
À la Libération, il est professeur d’hypokhâgne (professeur de classes préparatoires littéraires) au lycée Henri-IV. Il obtient, en , par le biais d’un ami gaulliste, René Brouillet (qu’il a connu à l’École normale supérieure17), un poste de chargé de mission pour l’Éducation nationale au cabinet du général de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la République française dont il devient progressivement un homme de confiance. Il enseigne également à l’Institut d’études politiques de Paris12.
IVe République
Après le départ du général de Gaulle en , il est directeur du commissariat au Tourisme (1946-1949) et devient maître des requêtes au Conseil d’État tout en restant un de ses conseillers proches, s’occupant notamment de la fondation Anne-de-Gaulle. Il dirige son cabinet jusqu’en 1953, mais s’implique peu dans la construction du RPF de Jacques Soustelle. Lors de la mise en sommeil par de Gaulle du RPF, il recrute Olivier Guichard pour le remplacer et entre, avec l’appui d’un ami, René Fillon, à la banque Rothschild en 1954 ; il occupe ce poste jusqu’en 1958. Restant en bons termes avec le général, il ne semble plus faire de politique et mène une vie culturelle riche.
Débuts sous la Ve République et la présidence de Charles de Gaulle
Lors du retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958, il sort de l’ombre en devenant son directeur de cabinet jusqu’à son installation à l’Élysée18 : de Gaulle l’invite à s’installer à ses côtés dans la voiture présidentielle lors de son investiture. Ayant participé à la rédaction de la constitution, il est nommé en au Conseil constitutionnel19, où il siège jusqu’en 1962. À la demande de De Gaulle, il entre en contact avec le FLN lors de discussions qui ont lieu à Neuchâtel et à Lucerne, en Suisse, préparant ainsi les accords d’Évian.
Le général de Gaulle compte sur sa connaissance du dossier saharien : en tant que directeur général de la banque Rothschild, il est administrateur de plusieurs sociétés implantées au Sahara, dont la Compagnie franco-africaine de recherches pétrolières française20. En réaction, des partisans de l’Algérie française font sauter une bombe devant le siège de la banque Rothschild, accusant Pompidou et la haute finance d’avoir sacrifié le Sahara français20. L’objectif des dirigeants français est en réalité de conserver la mainmise sur le pétrole du Sahara et obtiennent à travers les accords d’Évian des privilèges considérables pour les compagnies françaises20.
Premier ministre
Après le référendum d’avril 1962 approuvant les accords d’Évian, il est nommé Premier ministre le . C’est un quasi-inconnu que nomme le général de Gaulle pour succéder à Michel Debré. Sa carrière faillit s’interrompre quand, à l’été 1962, il mit sa démission en jeu pour obtenir du général de Gaulle la grâce du général Jouhaud, l’un des putschistes d’Alger, qui aurait dû être fusillé après sa condamnation à mort21.
Malgré quelques secousses (grèves des mineurs en 1963, dissolutions et référendum), Georges Pompidou exerce en pleine période des Trente Glorieuses, caractérisée par une forte croissance économique, et reste, aux yeux d’une partie des Français, le symbole du renouveau et de la modernisation de la France des années 1960. Son nom est lié, au XXIe siècle, à l’industrialisation du pays22.
Quatre gouvernements se succèdent entre 1962 et 1968, et Georges Pompidou détient le record de longévité en tant que Premier ministre.
Premier gouvernement
Pompidou forme son premier gouvernement avec cinq ministres d’État : André Malraux qui conserve son poste aux Affaires culturelles, l’éphémère Pierre Pflimlin du MRP à la Coopération, Louis Jacquinot (proche des Républicains indépendants de Giscard) aux DOM–TOM, tandis que Louis Joxe est reconduit aux Affaires algériennes et que Gaston Palewski, qui sera, avec Pierre Messmer, « fortement irradié »23 lors de l’accident de Béryl le , est chargé de la Recherche scientifique et des questions atomiques. Outre ces ministres, on retrouve Maurice Couve de Murville aux Affaires étrangères (qui occupe ce poste depuis 1959, et ce jusqu’à peu de temps avant sa nomination à Matignon), Roger Frey à l’Intérieur, Pierre Messmer aux Armées et Valéry Giscard d’Estaing aux Finances.
À la suite de la conférence de De Gaulle du rejetant l’« Europe intégrée », les cinq ministres du MRP (dont Pflimlin et Maurice Schumann) démissionnent, ce qui conduit à un remaniement ministériel. Deux autres légers remaniements ont lieu en septembre, alors que la droite obtient la majorité lors des sénatoriales, et en .
En , de Gaulle annonce son intention de modifier la Constitution afin que le président de la République soit élu au suffrage universel. Les parlementaires manifestant leur hostilité, de Gaulle décide de procéder par référendum. Le choix de ne pas passer par l’article 89 de la Constitution, qui prévoit les procédures de révision constitutionnelle, conduit l’ensemble des partis, hormis la majorité gaulliste, à voter une motion de censure le contre le gouvernement. Georges Pompidou présente alors sa démission, refusée par de Gaulle, qui préfère dissoudre l’Assemblée nationale le . Jusqu’au référendum, le gouvernement se contente d’expédier les affaires courantes. Le , le succès du référendum sur l’élection au suffrage universel du président de la République renforce la position de De Gaulle.
Le président du Sénat, Gaston Monnerville (GD), parle quant à lui de « forfaiture » et saisit le Conseil constitutionnel, qui se déclare, le , incompétent pour juger inconstitutionnelle une réforme approuvée par référendum, quand bien même elle n’aurait pas respecté l’article 89.
Deuxième gouvernement
Les élections législatives anticipées qui font suite à la dissolution et au référendum, les 18 et , marquent une importante victoire pour la majorité24, avec 233 sièges sur 482 pour les gaullistes de l’UNR–UDT et 35 pour leurs alliés Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing, représentants de la tendance libérale (au sens économique). Pompidou forme alors son deuxième gouvernement, le , qui dure jusqu’à 1966. Celui-ci a une composition semblable au premier.
Georges Pompidou se positionne alors progressivement comme le dauphin potentiel du général de Gaulle, et multiplie les déplacements seul à l’étranger (en dehors des fois où il accompagne le président de la République) : en Turquie du 15 au , au Japon du 6 au , en Suède du 7 au suivant, au Pakistan et en Inde du 5 au . Il visite également les futurs sites du centre d’expérimentation nucléaire du Pacifique sur les atolls de Mururoa et Fangataufa en Polynésie française, du 25 au . Du 17 au , conformément à l’article 21 de la Constitution, il remplace de Gaulle, hospitalisé alors pour une opération de la prostate, pour présider les conseils des ministres. Fidèle du président, il défend avec véhémence les institutions de la Cinquième République face à ses opposants dont François Mitterrand, auquel il répond notamment lors d’une séance houleuse à l’Assemblée nationale le : « Vous restez profondément fidèle à la conception de la IVe République qui mettait la totalité des pouvoirs dans l’Assemblée nationale et faisait du pouvoir exécutif une simple délégation consentie, pour un moment, par les groupes de l’Assemblée à un rassemblement hétérogène et passager baptisé « gouvernement ». L’événement a glissé sur vous sans laisser sa trace et, pourtant, il est jalonné par les désastres et quelquefois les déshonneurs que nous a valus l’incapacité fondamentale à laquelle on se condamne en prétendant fonder l’État et la politique de la France sur les divisions », qu’« il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Sur les rives paisibles de l’opposition, comme les émigrés de l’Ancien Régime sur les rivages de l’Angleterre » ou encore que « l’avenir n’est pas à vous [l’opposition]. L’avenir n’est pas aux fantômes »25.
La politique de son gouvernement est tout d’abord marquée par le développement de l’aménagement du territoire et des grands équipements directement planifiés par l’État, avec la création le de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR), de la politique des métropoles d’équilibre et de la Mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon (dite Mission Racine) la même année26 ; le lancement en 1964 du projet de construction d’un nouvel aéroport international en région parisienne à Roissy-en-France baptisé « Paris Nord » ; la création toujours en 1964 des préfets de région ; la décision (appliquée en 1968) de réorganiser l’Île-de-France avec l’éclatement des anciens départements de la Seine et de Seine-et-Oise en sept nouveaux départements (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise) ; le « plan neige » de 1965 ; la définition de la politique des villes nouvelles ou encore l’essor du réseau autoroutier dont la longueur quadruple en deux ans, passant de 126 km en 1958 à 658 km en 196527. La France est également en plein essor industriel, l’indice de la production industrielle (base 100 fixée en 1959) s’établissant à 140 en 1965, avec notamment le lancement du premier satellite français, Astérix, le , symbole de l’entrée du pays dans le cercle des puissances spatiales28. Sur le plan économique et financier, que Georges Pompidou considère comme faisant partie de son « domaine réservé » de Premier ministre, cette période est marquée par un retour à la stabilité financière et monétaire, avec le passage d’une balance des paiements déficitaire de 275 millions de dollars américains en 1958 à un excédent de 5 milliards en 1965, et la dette extérieure est ramenée de 2,9 milliards de dollars en 1959 à 500 millions en 1965.
Aux cantonales de mars 1964, la gauche progresse nettement, de même que lors des sénatoriales de . Lors des municipales de , la droite ne l’emporte qu’à l’aide des candidats divers droite, non affiliés aux partis principaux : le PCF obtient autant que les Républicains indépendants (3,7 %) et la SFIO obtient légèrement plus que l’UNR gaulliste (8,7 % contre 8,5 %). Juste avant le scrutin, Pompidou avait déclaré à la presse dans une causerie « au coin du feu » vouloir voir que l’esprit qui avait prévalu dans l’électorat pour les législatives fût le même que pour les municipales et que chaque ville de France « puisse marcher et progresser au même rythme de l’État ». L’opposition l’interprète comme un chantage, sous-entendant que seules les municipalités pro-gouvernementales seraient aidées, et Le Monde reproche au Premier ministre d’avoir manqué de « fair play ».
Pour l’élection présidentielle fixée au , Charles de Gaulle tarde à préciser son intention de se représenter (n’annonçant sa candidature que le 4 novembre, et laissant planer le doute d’un éventuel retrait en faveur de son Premier ministre alors que celui-ci a toujours démenti à cette époque avoir toute ambition de se présenter, ayant déclaré dès : « La succession du Général n’est pas ouverte et ne le sera pas de sitôt »), et se refuse à participer à la campagne du premier tour. Face à l’union de la gauche derrière un candidat unique, François Mitterrand, et une série de sondages faisant état de la possibilité d’un second tour alors que les premières études montraient le président sortant réélu au premier, Georges Pompidou et ses ministres pressent de Gaulle d’utiliser son temps de parole, ce qu’il fait à la télévision le . François Mitterrand et Jean Lecanuet29 ayant finalement réussi à mettre le président sortant en ballotage, Georges Pompidou devient le principal organisateur de sa campagne au second tour et le convainc d’être cette fois présent sur la scène médiatique, ce qui lui permet d’être réélu.
Troisième gouvernement
Le , après la réélection de Charles de Gaulle à la présidence de la République, Georges Pompidou est une nouvelle fois nommé Premier ministre et forme son troisième gouvernement, qui dure jusqu’en . Sensiblement similaire aux précédents, il décide néanmoins du départ de Valéry Giscard d’Estaing, jugé trop impopulaire, du ministère de l’Économie et des Finances, portefeuille qu’il confie à son prédécesseur à Matignon, Michel Debré, en espérant placer sous son contrôle ce concurrent potentiel parmi les fidèles du Général. Il se rend à Londres du 6 au et s’entretient à nouveau le avec le Premier ministre du Royaume-Uni, le travailliste Harold Wilson, pour lui expliquer le refus exprimé par la France à l’adhésion de son pays au Marché commun.
Son gouvernement est cette fois-ci marqué par la décision du général de Gaulle de retirer la France du commandement intégré de l’OTAN en , la création de la police nationale actuelle (en y incluant la préfecture de police de Paris) afin de centraliser au niveau de l’État la supervision et la coordination des moyens policiers, la mise en place progressive du plan Calcul visant à doter la France d’une industrie informatique indépendante et performante, le lancement du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), Le Redoutable, le .
Mais il doit surtout faire face à une opposition plus combative, un temps réunie derrière François Mitterrand, qui, fort de son arrivée au second tour de la présidentielle, forme un contre-gouvernement le . La Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), qui rassemble à l’initiative de François Mitterrand les courants non-communistes depuis , dépose au printemps 1966 une motion de censure, défendue par Guy Mollet, contre le gouvernement30 : l’opposition socialiste proteste en effet contre le retrait du commandement intégré de l’OTAN, décidé par de Gaulle en mars, Maurice Faure (du Rassemblement démocratique) déclarant alors « si chacun de nos alliés se comportait comme vous le faites et prenait les décisions que vous venez de décréter, cela ne signifierait rien d’autre que le retrait de toutes les forces américaines du continent européen30. »
Lors des élections législatives de , le Premier ministre s’engage personnellement dans la campagne et fait figure à cette occasion de véritable chef de la majorité et du mouvement politique gaulliste. Il réussit à maintenir l’unité de la coalition gouvernementale en faisant accepter à ses partenaires en le principe de la candidature unique dans chaque circonscription et de la coordination des actions de campagne par la création d’un « Comité d’action pour la Ve République » (dont il prend la présidence et chargé de distribuer les investitures), afin de couper court aux velléités des Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing ou des gaullistes de gauche de faire cavaliers seuls. Lui-même candidat pour la première fois, dans la seconde circonscription du Cantal, il se lance à partir du dans un « tour de France électoral » : il visite, entre autres et outre le Cantal, Nantes, le Lot (à deux reprises), le Jura, le Doubs, le Nord, Rambouillet, Sens, Fontainebleau, Nevers et Grenoble. Il débat avec les principales figures de l’opposition, dont François Mitterrand à Nevers le auquel il lance : « Il ne sert à rien de prétendre qu’on ne va pas revenir à la IVe République alors qu’on réunit les conditions qui, fatalement, nous y ramènent ». À Grenoble, il fait face de manière passionnée à Pierre Mendès France le et lui répond, lorsque son adversaire lui demande s’il sera tenu compte du résultat des législatives dans la formation du gouvernement en cas de victoire de la gauche, qu’il s’agit là d’une compétence du président de la République et que : « Je fais exprès de ne pas le savoir ». Il fait valoir qu’à titre personnel, il formerait un exécutif similaire en ne tenant compte qu’« un peu » des changements au Parlement. Mais, surtout, il commence à prendre en main la formation gaulliste, à introduire des personnes lui étant fidèles dans le jeu politique de la majorité et en modernisant ses cadres. Il initie ainsi la stratégie des « Jeunes loups » consistant à présenter des jeunes cadres, souvent énarques, dans des circonscriptions réputées être des fiefs de l’opposition dans le Centre et le Sud-Ouest : Jean Charbonnel (chargé d’organiser cette opération électorale) et Jacques Chirac en Corrèze, Jean-Pierre Dannaud et Bernard Pons dans le Lot31, Pierre Mazeaud dans la Haute-Vienne ou Robert Poujade en Côte-d’Or.
Le scrutin marque néanmoins, après un premier tour qui laissait prévoir pourtant une nette victoire des gaullistes et de leurs alliés, un recul de la majorité, au profit de la gauche : la majorité n’est plus que de 244 députés (200 gaullistes, 42 Républicains indépendants et 2 divers droite) sur 486. Georges Pompidou, qui a été élu dès le premier tour dans la 2e circonscription du Cantal, présente sa démission de la tête du gouvernement le , mais est maintenu cinq jours plus tard par le général de Gaulle.
Quatrième gouvernement
Après cette victoire étriquée, Georges Pompidou tente de rafraîchir le gouvernement en y introduisant de nouvelles têtes (telles que le conseiller constitutionnel Edmond Michelet comme ministre d’État chargé de la Fonction publique, le gaulliste europhile Maurice Schumann ministre d’État à la Recherche scientifique et aux Questions atomiques et spatiales, le gaulliste de gauche et ancien socialiste Georges Gorse à l’Information ou le « Jeune loup » Jacques Chirac, que Pompidou surnomme vite « Mon bulldozer », comme secrétaire d’État à l’Emploi) ou en réussissant à mouvoir de leurs portefeuilles certains « barons » (l’éternel ministre de l’Intérieur des gouvernements précédents Roger Frey prend cette fois le poste de ministre d’État chargé des Relations avec le Parlement, et Louis Joxe abandonne la Réforme administrative qu’il détenait depuis 1962 pour la Justice). Mais Charles de Gaulle maintient dans leurs charges certains incontournables, même alors qu’ils ont été battus pour certains lors des législatives : Maurice Couve de Murville aux Affaires étrangères, André Malraux aux Affaires culturelles ou Pierre Messmer aux Armées. Il s’agit finalement d’un changement tout relatif : parmi les 29 ministres et secrétaires d’État, 8 n’étaient pas présents dans le précédent gouvernement et 5 ont changé d’attribution.
Mais surtout, Georges Pompidou concrétise sa prise de contrôle des partis gaullistes avec pour but d’en faire des machines électorales et d’attirer de nouvelles générations. Ainsi préside-t-il, lors des assises nationales de l’UNR à Lille du 24 au , à la fusion de cette dernière avec l’UDT, le rassemblement des gaullistes de gauche, pour former l’Union des Démocrates pour la Ve République (UD-Ve), ce que Le Monde qualifie le lendemain de « gaullisme successoral ». Il place à la tête du mouvement gaulliste, comme secrétaire général, un des « Jeunes loups » tout juste élus en 1967, Robert Poujade (39 ans).
En ce qui concerne la gestion gouvernementale, il demande et obtient en de l’Assemblée nationale, et malgré une vive opposition à gauche mais aussi au sein même de la majorité (le ministre de l’Équipement et du Logement Edgard Pisani démissionne dès le lendemain de l’annonce en conseil des ministres de cette décision), de faire jouer l’article 38 de la Constitution et donc de pouvoir légiférer par ordonnances dans des domaines économiques et sociaux jusqu’au . Cette mesure vise notamment à préparer rapidement l’économie française à la suppression totale des barrières douanières intervenant au sein de la Communauté économique européenne (CEE) à compter de juillet, mais aussi à régler le problème du déficit de la Sécurité sociale et celui de la participation des salariés au capital de leur entreprise, thème cher tant au général de Gaulle qu’aux gaullistes de gauche : ceux-ci critiquent vivement le conservatisme du Premier ministre en matière sociale. Les ordonnances permettent alors la création de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) afin de prévenir le retour du chômage en France (il touche à cette époque 430 000 personnes, soit 2 % de la population active), de rendre obligatoire la participation des salariés aux résultats dans les entreprises de plus de 100 salariés ou encore une réforme de la Sécurité sociale (création de trois caisses à la gestion autonome à l’exception d’une trésorerie unifiée et directement supervisée par le gouvernement : Caisse nationale d’assurance maladie CNAM, la Caisse nationale d’assurance vieillesse CNAV et la Caisse nationale des allocations familiales CNAF). Quoi qu’il en soit, ce « passage en force » entraîne le dépôt le par les députés communistes d’une motion de censure qui n’est rejetée qu’à huit voix près (236 pour, la majorité absolue étant fixée à 244), et une grève générale contre les pouvoirs spéciaux est organisée le . Les cantonales de confirment l’avancée opérée par la gauche dans l’électorat.
Crise de Mai 68 et démission
Mais le quatrième gouvernement Pompidou est surtout marqué par les événements de Mai 68. Rentré précipitamment d’un voyage officiel en Afghanistan du fait de l’aggravation de la situation le 11 mai, Georges Pompidou s’affirme comme un partisan de l’apaisement, de la négociation avec les syndicats et gère directement la crise en se substituant, avec le président, au ministre de l’Intérieur Christian Fouchet. Il décide ainsi seul de la réouverture de la Sorbonne le 11 mai, prend toutes les décisions avec ses principaux collaborateurs (Jacques Chirac, Pierre Juillet, Édouard Balladur et Michel Jobert) durant l’absence du général de Gaulle, en voyage en Roumanie du 14 au 18 puis à la suite de sa « disparition » de 24 heures à Baden-Baden du 29 au (Pompidou n’aura été informé du départ du général qu’à la dernière minute, vers 11 heures du matin le 29, et apprend que le gouvernement a perdu sa trace à 14 h 30 le même jour), prend l’intérim du ministère de l’Éducation nationale le 25 à la suite de la démission d’Alain Peyrefitte et ouvre le même jour des négociations avec les syndicats — avec l’aide de son secrétaire d’État à l’Emploi Jacques Chirac — pour aboutir aux accords de Grenelle le 27.
Après le retour à Paris de Charles de Gaulle le 30 mai, il lui présente sa démission, considérant le fait que le président ait pris contact avec l’armée (le général Jacques Massu à Baden-Baden) sans l’avertir (alors que le Premier ministre est « responsable de la Défense nationale » selon l’article 21 de la Constitution) comme un désaveu personnel, mais le chef de l’État la refuse. La solution défendue depuis plusieurs jours par Pompidou pour sortir de la crise s’impose alors au général : la dissolution de l’Assemblée nationale et l’ajournement du référendum sur l’université que de Gaulle souhaitait organiser depuis le . En attendant les élections législatives anticipées des 23 et , Pompidou remanie en profondeur son gouvernement. Tous ses membres, sauf André Malraux, se présentent dans une circonscription aux législatives. Le Premier ministre est sorti renforcé de la crise32 et des élections législatives qui sont marquées par un véritable raz-de-marée gaulliste : l’Union pour la défense de la République (UDR), nouveau nom du parti gaulliste, obtient à elle seule la majorité absolue avec 294 sièges sur 485, une première en France, et en tout, la majorité dispose de 367 députés, tandis que de nombreuses personnalités de l’opposition sont battues, dont Pierre Mendès France. Pompidou entretient ensuite des relations de plus en plus tendues avec Charles de Gaulle et se montre réservé face à certains grands projets du chef de l’État tel que le référendum sur la participation. Il présente une nouvelle fois sa démission, comme le veut la tradition, après le résultat des législatives le mais de Gaulle fait mine dans un premier temps de la refuser tout en confirmant cinq jours plus tard le départ de Pompidou. Celui-ci est officiel le , le président de la République écrivant à son ancien chef de gouvernement en acceptant sa démission qu’il doit « se sentir prêt à accomplir toute mission et à assurer tout mandat qui pourrait un jour lui être confié par la nation ». Il est remplacé le même jour par Maurice Couve de Murville33. Étant resté à Matignon plus de six ans, Georges Pompidou est en 2024 le Premier ministre français resté le plus longtemps en fonction.
« En réserve de la République »
Conseiller municipal de Cajarc (Lot) depuis 1965, élu député du Cantal au premier tour le avec 80 % des suffrages exprimés, Georges Pompidou siège alors pour la première fois réellement à l’Assemblée nationale où il prend la présidence d’honneur du groupe UDR, mais se tient à l’écart des travaux parlementaires, alors que les gaullistes de gauche ont pris l’ascendant au sein du gouvernement34.
Lorsque Georges Pompidou, lors d’un voyage à Rome en , est interrogé sur la façon dont il voit son avenir, il répond : « Ce n’est un mystère pour personne que je serai candidat à une élection à la présidence de la République quand il y en aura une, mais je ne suis pas du tout pressé »35. Cet « appel de Rome » lui vaut les critiques de nombreuses personnalités gaullistes et est considéré comme un facteur de l’échec du référendum de 1969, les Français ayant perçu une alternative au général de Gaulle. Son amitié avec Louis Vallon, déjà malmenée par leurs divergences sur la participation, n’y survit pas.
C’est aussi à cette époque post-68 qu’éclate l’affaire Marković (le garde du corps d’Alain Delon assassiné) où l’on tente de compromettre sa femme en faisant circuler des rumeurs à son sujet (on parle de photos d’orgies où Claude Pompidou, sa femme, figurerait, photos qui se sont révélées être des faux grossiers). Blessé à l’extrême, il reproche à l’Élysée de ne pas l’avoir averti, et surtout à René Capitant, alors Garde des Sceaux, d’avoir laissé cette rumeur déshonorante, basée sur les paroles d’un voyou, se propager. C’est le point de rupture définitif entre le Général et Pompidou.
Élection présidentielle de 1969
Après l’échec du référendum d’avril 1969, le général de Gaulle démissionne de ses fonctions et une élection présidentielle anticipée est organisée.
Georges Pompidou se déclare candidat le 36. Il obtient aussitôt le ralliement de l’UDR. Seule une partie des gaullistes de gauche, derrière René Capitant (qui envisage même un moment de se présenter) et Louis Vallon, ne le soutiennent pas. Ce dernier sera ensuite exclu de l’UDR pour avoir publié après l’élection un virulent pamphlet contre Pompidou, L’Anti-de Gaulle.
Valéry Giscard d’Estaing, dirigeant de la Fédération nationale des républicains indépendants, cherche à susciter la candidature d’Antoine Pinay, qui se récuse, puis rencontre Alain Poher, avant de rallier Georges Pompidou le . Ayant ainsi reconstitué l’ancienne majorité, l’ancien Premier ministre du Général s’attache à réaliser une ouverture en direction des centristes : René Pleven, Joseph Fontanet et Jacques Duhamel répondent à son appel.
Alors que la gauche se présente divisée, au contraire du scrutin présidentiel de 1965, le rival le plus sérieux de Georges Pompidou devient le président du Sénat, Alain Poher, qui exerce l’intérim de la fonction présidentielle. Le premier sondage du second tour donne d’ailleurs ce dernier vainqueur. Pompidou, qui mène une campagne particulièrement active en province, parvient cependant rapidement à renverser la tendance et arrive en tête du premier tour, le , avec 44,5 % des suffrages exprimés, devant Alain Poher (23,3 %) et le communiste Jacques Duclos (21,3 %) ; le socialiste Gaston Defferre n’obtient que 5 % des voix.
Le Parti communiste français appelant à l’abstention, le second tour n’est plus qu’une formalité pour le candidat gaulliste. Le , Georges Pompidou est élu président de la République avec 58,21 % (11 millions de voix) face à Alain Poher (8 millions).
Président de la République
Considérations générales
Georges Pompidou est investi président de la République le 37. Le même jour, il nomme Jacques Chaban-Delmas comme Premier ministre, fonction que celui-ci occupe jusqu’au ; Pierre Messmer est ensuite chef du gouvernement jusqu’au .Sa première initiative en politique extérieure est de convoquer un sommet des chefs d’État des six membres de la Communauté économique européenne pour rompre l’isolement diplomatique de la France et donner une nouvelle dynamique à la construction européenne : c’est la relance de La Haye. Si la défense des intérêts nationaux de la France est prioritaire, il se montre sincèrement europhile, énonçant le triptyque « achèvement, approfondissement et élargissement » qui sert de base à la politique de construction européenne par la suite38.
Sur la scène internationale, Georges Pompidou continue la politique gaullienne d’indépendance tout en l’assouplissant, notamment à l’égard des États-Unis et de la Grande-Bretagne dont il accepte l’entrée dans la Communauté économique européenne (CEE).
Au niveau national, Georges Pompidou entend moderniser la France. Il continue la modernisation économique et l’industrialisation (avec le lancement ou la concrétisation de grands projets français ou européens, tels le consortium Airbus ou le TGV), tout en devant faire face à des conflits sociaux et aux premiers contrecoups du choc pétrolier de 1973. Il suscite les critiques d’hommes politiques conservateurs tels qu’Édouard Lebas, ancien préfet de la Manche et ancien député gaulliste, qui le qualifie dans le Journal du Parlement de « Pompilate », diatribe dans laquelle on peut lire : « Pompidou 1er le Mécréant s’est astreint à aller à la masse »39.
Amoureux de l’automobile, il soutient son développement déjà largement entamé dans les années 1960. Il s’attarde longuement au Salon de l’automobile et héroïse la victoire de Matra aux 24 Heures du Mans 197240. Son nom est associé à la voie Georges-Pompidou sur la berge droite de la Seine inaugurée en 1967 et il fait accélérer la réalisation du boulevard périphérique qui est achevé en 1973. C’est cependant à tort qu’on lui attribue généralement la paternité du plan autoroutier pour Paris qui a principalement été conçu par les services techniques, les architectes et urbanistes de la ville de Paris.
Toutefois, devant la progression des accidents de la route, il crée le Comité interministériel de la sécurité routière40. Sa vision est souvent résumée à la formule « Il faut adapter la ville à l’automobile » alors qu’il déclarait en fait le , de manière plus nuancée : « La voiture existe, il faut s’en accommoder et il s’agit d’adapter Paris à la fois à la vie des Parisiens et aux nécessités de l’automobile à condition que les automobilistes veuillent bien se discipliner »40.
À la suite de son discours de Chicago le 28 février 1970, qu’il conclut en évoquant « les devoirs de solidarité qu’implique la sauvegarde de la maison des hommes », il crée le ministère de l’Environnement, confié à Robert Poujade, faisant de la France le deuxième pays dans le monde à avoir un ministère de ce type après le Royaume-Uni41. Il s’oppose aussi à l’abattage des arbres le long des routes.
Il favorise la modernisation de l’agriculture et de l’agro-industrie42. Dans le même temps, il lance les premiers labels et appellations d’origine.
Saisi en référé par Maître René Floriot représentant le président Pompidou, le Tribunal de grande instance de Paris a, en 1970, interdit au journal L’Express de publier une publicité utilisant l’image du président de la République. La photo prise pendant les vacances présidentielles en Bretagne montrait Georges Pompidou à bord d’un bateau équipé d’un moteur de marque Mercury, commanditaire de la publicité[réf. nécessaire].
Le 8 décembre 1972, lors d’une conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, Georges Pompidou cite Charles Maurras en affirmant : « quelqu’un qui n’a jamais été mon maître à penser, tant s’en faut, Charles Maurras a, dans Kiel et Tanger, dès 1910, prévu le monde actuel »43,44.
Grandes étapes de sa présidence
Gouvernement Jacques Chaban-Delmas ( – )
- 1969 :
- : Chaban-Delmas présente son programme « la nouvelle société » reposant sur l’élargissement des libertés publiques, la participation dans les entreprises, l’accroissement des pouvoirs régionaux et le développement de la solidarité.
- 8 août : dévaluation du franc de 12,5 %.
- 16 septembre : dans son discours de politique générale, le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, exprime le souhait d’organiser une compétition véritable entre les deux chaînes de télévision de l’ORTF ; ce discours se traduit par la création de deux unités autonomes d’information puis par deux directions distinctes.
- décembre : loi sur l’actionnariat ouvrier chez Renault45, inauguration de la première ligne de RER (Nation-Boissy Saint-Léger), abandon par la France de la filière graphite-gaz pour la filière nucléaire.
- 15 décembre : passionné par la culture et l’art, Georges Pompidou annonce la création d’un centre d’art contemporain à Paris, qui porte aujourd’hui le nom de Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou.
- 1970 :
- 7 janvier : loi instituant le SMIC à la place du SMIG.
- février : visite officielle aux États-Unis46.
- 28 février : discours de Chicago considéré comme celui fondateur sur l’environnement47.
- 4 juin : loi « anticasseurs »48.
- 2 juillet : déclaration de Georges Pompidou à propos de l’ORTF selon lequel l’« information doit être libre… indépendante… et impartiale ». Il rappelle aux journalistes de l’ORTF que leur parole « engage la France ».
- 17 juillet :
- pour contrecarrer les enquêtes journalistiques de plus en plus pressantes autour de sa santé (voir infra), Pompidou fait voter la loi instituant l’article 9 du Code civil qui garantit à chacun le « droit au respect de sa vie privée »49 et de nouveaux articles du Code de procédure pénale punissant les atteintes à ce droit.
- Fusion des trois constructeurs aéronautiques publics français (Sud-Aviation, Nord-Aviation et SEREB) pour former la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS ou « Aérospatiale »). Celle-ci s’associe la même année avec l’allemand Deutsche Airbus pour créer le consortium (sous forme de GIE) Airbus.
- 9 novembre : décès du général de Gaulle à Colombey les Deux Églises. Pompidou s’adresse aux français et commence son discours magistralement : « Le général de Gaulle est mort. La France est veuve. » Cérémonie à Notre-Dame de Paris en présence de nombreux chefs d’État.
- 1971 :
- janvier : remaniement ministériel
- 23 juin : les six pays membres de la Communauté économique européenne (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, France, Luxembourg) acceptent l’adhésion du Royaume-Uni.
- 23 novembre : grâce présidentielle accordée au fugitif Paul Touvier. Cette mesure déclenche une tempête. Pompidou se justifie, lors d’une conférence de presse le , en citant, au détour de ses explications50, une expression (« les Français ne s’aimaient pas »), qui avait par ailleurs été utilisée en 1916 par Charles Maurras dans le titre d’un de ses livres, Quand les Français ne s’aimaient pas, dans un contexte totalement différent.
- 13 décembre : protestant contre le fait que l’ORTF ait coupé une partie de son reportage concernant « les sentiments ambigus » du président de la République envers les résistants et la Résistance intérieure française, Maurice Clavel quitte théâtralement le plateau de l’ORTF en lançant « Messieurs les censeurs, bonsoir ! ».
- 1972 :
- 19 janvier : le Canard enchaîné publie la feuille d’impôts du Premier ministre.
- 4 avril : début des essais du turbotrain expérimental TGV 001 sur la ligne d’Alsace.
- 23 avril : référendum approuvant l’élargissement de la CEE au Danemark, à la Norvège, à l’Irlande et au Royaume-Uni, avec un résultat de 68,3 % de « oui » mais avec 40 % d’abstentions51.
- 24 avril : création du Serpent monétaire européen.
- 5 juillet : Chaban-Delmas démissionne à la demande du président de la République et est remplacé par Pierre Messmer.
Gouvernements Pierre Messmer ( – )
- 1972 :
- 14 juillet : nouveau statut de l’ORTF présidé par Arthur Conte.
- 28 novembre : exécution de Roger Bontems, conséquence du refus de la grâce présidentielle.
- 31 décembre : création de la troisième chaîne de télévision.
- 1973 :
- Janvier : la CEE devient l’Europe des 9 (Allemagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas, Irlande, Italie, France, Luxembourg, Royaume-Uni). La Norvège reste en dehors de la CEE à la suite du rejet par référendum de l’adhésion.
- 3 janvier : la loi 73-7 du modifie les statuts de la Banque de France.
- 3 janvier : loi instituant le Médiateur de la République, poste qui revient à Antoine Pinay.
- 4 et 11 mars : élections législatives remportées par l’UDR (néanmoins en recul par rapport à son score historique de 1968, avec 23,9 % au 1er tour et 184 sièges sur 311) et ses alliés des Républicains indépendants (6,9 % et 54 élus) et du Centre démocratie et progrès (CDP, ou « centristes ralliés », 3,9 % et 23 députés). La majorité présidentielle totalise ainsi 261 sièges, 16 de plus que le seuil de la majorité absolue. La gauche (PS, PCF, radicaux de gauche) était pour sa part, pour la première fois depuis 1965, partie unie autour d’un programme commun et sous la direction de François Mitterrand : elle réunit 42,9 % des suffrages au 1er tour et 176 députés.
- 15 mars : création du Service central de la sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Mise en service à Marcoule de Phénix, première centrale française à neutrons rapides.
- 3 avril : Georges Pompidou propose une réforme constitutionnelle ayant pour but de ramener le mandat présidentiel à cinq ans.
- 5 avril : remaniement ministériel.
- 25 avril : inauguration du périphérique parisien.
- 31 mai : rencontre avec le président des États-Unis Richard Nixon à Reykjavik (Islande)52.
- 12 juin : l’horlogerie Lip dépose son bilan. L’usine de Besançon est occupée.
- 25 août : rassemblement à La Cavalerie de 80 000 personnes53 organisé par les Paysans-travailleurs contre l’extension du camp militaire du Larzac.
- 17 octobre : premier choc pétrolier causé par la décision des pays de l’OPEP d’augmenter considérablement le prix du pétrole brut et de frapper d’embargo les alliés d’Israël à la suite du déclenchement de la guerre du Kippour. La France, non concernée par l’embargo, se rend compte de sa dépendance énergétique.
- 24 octobre : ajournement de la réforme du quinquennat.
- 4 décembre : un journaliste du Canard enchaîné découvre des agents des renseignements généraux déguisés en plombiers en train de placer des micros dans leurs nouveaux locaux.
- 20 décembre : adoption de la loi Royer limitant l’ouverture des grandes surfaces.
- 22 décembre : les pays arabes diminuent de 25 % les exportations de pétrole et augmentent le prix du baril de 17 %. Le prix du baril brut de pétrole passe de 5,092 $ à 11,651 $. La facture française passera de 17 à 123 milliards de francs.
- fin décembre : la France compte 421 000 chômeurs (2,7 % de la population active).
- 1974 :
- 19 janvier : la France sort du système Serpent monétaire européen.
- 1er mars : remaniement ministériel.
- 3 mars : décision du gouvernement de développer les investissements dans le programme nucléaire afin d’assurer son indépendance énergétique.
- 5 mars : le Premier ministre Pierre Messmer annonce le lancement de la construction d’une première ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon, la LGV Sud-Est, équipé du TGV d’Alstom. Le projet concurrent d’aérotrain entre Cergy et La Défense est pour sa part rejeté par l’État le .
- 8 mars : inauguration de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.
- 11-13 mars : dernier voyage à l’étranger de Georges Pompidou, en URSS où il rencontre Léonid Brejnev. Son visage gonflé accrédite les rumeurs sur sa maladie.
- 2 avril : décès de Georges Pompidou. Le président du Sénat, Alain Poher, assure l’intérim.
- 6 avril : jour des obsèques, décrété journée de deuil national54.
Maladie et mort
Avant son élection à la présidence de la République, Georges Pompidou se plaint de fatigues et de maux de tête, puis de saignements de nez et d’états grippaux. Des examens révèlent qu’il est atteint par la maladie de Waldenström.
À partir de début 1973, la maladie et ses traitements rendent son visage très gonflé et ralentissent sa démarche55. Son changement d’apparence surprend lors de ses entretiens avec des dirigeants étrangers, notamment en avec Léonid Brejnev et en avec Richard Nixon. Malgré les pressions, la presse française évoque la santé du président56. Il se consacre alors surtout à la politique étrangère, limite ses déplacements et délègue de plus en plus, notamment au secrétaire général de la présidence de la République, Édouard Balladur57,58.
Alors que les rumeurs sur son état de santé se multiplient, la communication de l’Élysée se veut rassurante. De simples « grippes » sont évoquées55. Lors d’une conférence de presse, Georges Pompidou annonce même qu’il envisage de briguer un second mandat en 197659. Les hypothèses sur une démission anticipée du président se renforcent56,60. Un communiqué du fait état d’une « lésion bénigne d’origine vasculaire, située dans la région ano-rectale, et hyperalgique par intermittence », la maladie de Waldenström étant caractérisée par des hémorragies importantes61.
Georges Pompidou meurt finalement dans son appartement parisien du deuxième étage de l’hôtel d’Hesselin, au 24 quai de Béthune sur l’île Saint-Louis, le à 21 h à l’âge de 62 ans62.
Le film L’Homme de Kiev à la télévision française, sur la deuxième chaîne de l’ORTF, dans le cadre de l’émission Les Dossiers de l’écran présentée par Alain Jérôme, est interrompue le à 22 h 15 par l’annonce par Philippe Harrouard du décès du président Pompidou63-.
Après une cérémonie en l’église Saint-Louis-en-l’Île, il est inhumé le à Orvilliers, dans la plus stricte intimité (seulement une vingtaine de personnes) et un grand dépouillement, sans fleurs, ni couronnes, ni monument funéraire. Une simple dalle de pierre est mise en place, comme il l’a souhaité dans son testament rédigé en 64,65.
Le , ses obsèques sont célébrées à la cathédrale Notre-Dame de Paris, lors d’une cérémonie présidée par l’archevêque de Paris, le cardinal François Marty, en présence d’une grande partie de la classe politique française et de plusieurs chefs d’État étrangers : Richard Nixon, Léopold Sédar Senghor, le prince Rainier, Habib Bourguiba, Nikolaï Podgorny, le roi Baudouin, Edward Heath (la royauté étant représentée par le prince Philip), Willy Brandt, Zulfikar Ali Bhutto, Jean-Bedel Bokassa, Pierre Elliott Trudeau, etc.66.
Une polémique se développe ensuite au sujet du secret tenu autour de sa maladie, et la classe politique « convient » alors que les futurs présidents de la République devront rendre compte de leur état de santé (François Mitterrand, qui s’était engagé durant sa campagne de 1981 à publier des bulletins de santé réguliers, dissimulera lui aussi, après son accession au pouvoir, la gravité de la maladie dont il souffrait)56.
Détail des mandats et fonctions
À la présidence de la République
Au gouvernement
- – : Premier ministre.
- – : ministre de l’Éducation nationale (par intérim).
Au Parlement
- – : député de la 2e circonscription du Cantal.
- – : député de la 2e circonscription du Cantal.
Autres fonctions
- – : membre du Conseil constitutionnel.
- – : conseiller municipal de Cajarc (Lot).